- Speaker #0
Dans ma tête, dans mes clichés que j'avais sur les gamers, pour moi, Hugo correspondait complètement à StarCat.
- Speaker #1
Je cote quelques cas,
- Speaker #0
c'est vrai. Et voilà, je veux dire, Hugo est un mec, Hugo est blanc, Hugo a des lunettes. Tu vois ce que je veux,
- Speaker #1
allons-y.
- Speaker #0
Je n'allais pas parler de tes cheveux, j'allais pas en parler.
- Speaker #1
Salut Lucie !
- Speaker #0
Salut Hugo !
- Speaker #1
Et salut à toutes et à tous, bienvenue dans Solus, le podcast qui vous guide dans la culture jeux vidéo. Alors, comme c'est le premier épisode, Lucie, on va peut-être aller au-delà de cette tagline incroyablement trouvée.
- Speaker #0
On ne dira pas par qui !
- Speaker #1
mais de dire voilà, qu'est-ce que c'est Solus concrètement ?
- Speaker #0
Alors déjà je suis très contente d'être là,
- Speaker #1
vraiment ça faisait longtemps que j'attendais d'être devant C'est important de commencer les podcasts par ça t'es contente d'être là,
- Speaker #0
très bien Donc Solus qu'est-ce que c'est ? Solus c'est une émission qui va vous parler de jeux vidéo mais peut-être pas de la manière dont on vous en parle d'habitude Dans Solus il n'y aura pas de test, il n'y aura pas de review, il n'y aura pas d'actualité déjà parce qu'il y a plein de gens qui le font déjà et qui le font très bien y compris la personne en face de moi Solus Par ailleurs, nous ce qui nous intéressait, c'était d'aborder le jeu vidéo sous un angle sociétal.
- Speaker #1
Oui, parce que le jeu vidéo, on peut le voir aussi, c'est un objet culturel, donc c'est un objet qui est produit au sein de notre société. Et forcément, en l'étudiant, en voyant comment il se place un peu dans nos vies quotidiennes, on se rend compte qu'il traduit, qu'il met en jeu presque littéralement des discussions, des débats, des luttes même, qui opèrent au sein de notre culture. notre façon de nous placer dans le monde. En gros, le jeu vidéo est influencé par la société, mais le jeu vidéo influence la société en retour.
- Speaker #0
Et donc, pour aborder ce vaste sujet, on va partir pour une première saison, au moins, on verra ensuite, de cinq épisodes. Le format qu'on vous propose, c'est plutôt une discussion. Vous allez voir, Hugo et moi, on aime plutôt parler. Donc, on n'aura pas de mal, je pense, à remplir ces épisodes. Mais on ne va pas faire que blablater. On va aussi faire des recherches, évidemment. Ça sera un podcast qui sera documenté. et qui fera aussi intervenir d'autres personnes. Ça, c'est important pour nous. On ne sera pas les deux seuls derrière le micro. On va aussi interviewer en amont et vous proposer d'écouter des chercheurs, des chercheuses, des personnes qui bossent dans le jeu vidéo, des personnes qui ne bossent pas dans le jeu vidéo. Pourquoi j'insiste là-dessus ? C'est parce que je pense, et Hugo pense aussi, que les médias jeux vidéo ont tendance à faire parler toujours les mêmes personnes. Et d'ailleurs, on fait partie de cet écosystème, on a conscience de faire partie du problème. Et donc du coup c'est important pour nous de passer le micro et vraiment d'aller déclarer par plein de manières différentes ces sujets qui on pense ne sont pas forcément toujours traités à leur juste valeur.
- Speaker #1
Oui exactement, c'est aller chercher des personnes qui vont pouvoir nous donner un angle original sur des sujets qu'on espère originaux. Et d'ailleurs on peut peut-être commencer à teaser un petit peu de quoi on va parler. Aujourd'hui vous avez lu le titre, on va parler des gamers. Mais il y aura d'autres sujets assez divers. De quoi on va parler dans cette saison de 4-5 épisodes qui arrivent ?
- Speaker #0
Il y a un épisode que j'attends avec appassement, c'est l'épisode sur la nourriture. On va parler du rapport des gamers à la nourriture. Je crois que c'est le deuxième ou le troisième.
- Speaker #1
Oui, a priori. Ça nous dit de cette culture.
- Speaker #0
Absolument. On va aussi réfléchir à ce que les jeux vidéo font à notre corps. Ça pareil, on va avoir plein de choses à dire. Et on va aussi réfléchir à si le jeu vidéo est une charge mentale comme les autres. Là, normalement, vous allez avoir les alarmes qui s'allument. Je prononce le mot en F, on va parler de féminisme dans ce podcast, c'est vraiment important aussi pour moi et pour Hugo d'ailleurs. Donc voilà, on ne va pas vous donner tous les épisodes, mais j'espère que ça vous donnera envie d'écouter la suite.
- Speaker #1
On espère que ce sera un podcast qui vous fera réfléchir sur vos pratiques du jeu vidéo, si vous êtes joueur et joueuse, et aussi peu importe la masse de jeux auxquels vous pouvez jouer, et on a envie avec ce podcast d'essayer... pas seulement de parler aux gens auxquels peut-être moi j'ai plus l'habitude de parler justement à travers mes contenus, mais essayer d'aller chercher aussi d'autres publics, des gens pour qui le jeu vidéo a peut-être un peu moins de place dans la vie, mais on a eu un moment.
- Speaker #0
Et ça c'est vraiment important pour nous parce qu'on va se présenter, et je pense que c'est bien de se présenter, mais je veux préciser que moi je ne suis pas du tout une gameuse au même titre qu'Hugo, on représente je pense deux pratiques du jeu vidéo qui sont assez différentes.
- Speaker #1
Des histoires différentes,
- Speaker #0
des parcours différents. On a des histoires différentes, des parcours différents, moi pour la petite histoire je me suis mise au jeu vidéo il y a quelques années, Ma première console de salon, c'était ma Switch qui date de 2018. Donc voilà, je ne suis pas du tout une hardcore gameuse. Je tease la suite de l'épisode.
- Speaker #1
Peut-être que tu le mets. Peut-être que je le suis en fait.
- Speaker #0
Mais voilà, c'est vraiment un podcast qui veut parler à tout type de gamers, tout type de gameuses et même les gens qui ne sont pas gamers ou gameuses, mais qui ont un intérêt pour la culture du jeu vidéo.
- Speaker #1
Donc Lucie, tu t'es mis au jeu vidéo un peu tardivement, mais qu'est-ce que tu fais peut-être présent de toi pour les gens qui ne te connaîtraient pas ?
- Speaker #0
Bonjour donc je me présente je m'appelle Lucie Ronfaux donc moi je suis journaliste et autrice ça fait dix ans que j'ai ma carte de presse là c'est le moment où je me pète un petit peu merci petit flex exactement alors moi je suis ce qu'on appelle une journaliste pigiste c'est à dire que je bosse pour plein de médias différents je bosse pour le monde je bosse pour numerama je bosse pour binge audio et plein d'autres et moi ma spécialité ce sont les nouvelles technologies et les cultures en ligne que j'aborde plutôt par un point de vue sociétal, un peu comme ce qu'on va faire avec Solus. Et j'ai notamment une newsletter qui s'appelle Règle 30, qui paraît tous les mercredis grâce à Numérama, et qui traite justement de l'industrie du numérique et des cultures en ligne avec un point de vue inclusif et féministe.
- Speaker #1
Et puis tu mets un premier pied quand même depuis quelques temps dans le jeu vidéo. Tu bosses maintenant avec des médias qui sont plus spécialisés, notamment Canard PC.
- Speaker #0
Tout à fait, je pige un petit peu pour Canard PC depuis quelques temps. Et puis dans Règle 30, je parle régulièrement de jeux vidéo. notamment parce que j'ai une audience qui joue ou qui ne joue pas mais qui est suffisamment curieuse pour vouloir jouer le jeu vidéo est de plus en plus aussi un truc pro et maintenant je lance un podcast j'y vais,
- Speaker #1
je suis cernée t'es sur la pente là tu peux plus reculer maintenant et du coup moi je me présente aussi je m'appelle Hugo Terra, je suis notamment co-créateur de la chaîne Youtube qui s'appelle Game Next Door qui est une émission dans laquelle on fait des essais pour essayer de comprendre un petit peu le jeu vidéo, le parler game design Et je suis aussi co-animateur d'un podcast maintenant depuis 5 ans qui s'appelle Fin du Game, l'émission qui va au bout des jeux. Ça, ça sort deux fois par mois et c'est une émission critique tout simplement. On prend un jeu et on fait une critique, on recontextualise le jeu dans sa création, on analyse les mécaniques, la narration, etc. Voilà, un truc critique assez classique. Je suis aussi passé par Gamekult, j'ai aussi collaboré avec Arte sur l'émission Jour de Play et aujourd'hui je lance Solus.
- Speaker #0
Voilà. Aujourd'hui, on est autour d'une même table.
- Speaker #1
Exactement. Et d'ailleurs, on peut peut-être aussi raconter comment on s'est rencontrés. Ça fait un moment qu'on se suivait respectivement, toi et moi. Moi, je suivais ton travail, tu suivais le mien. Et puis, à un moment, tu es passé dans ma belle ville de Strasbourg. Tu m'as dit, Hugo, viens, on se capte. Et on s'est capté, on a commencé à discuter. Et là, patatras.
- Speaker #0
Et là, c'était le drame. En fait, sans le vouloir, j'ai mis les pieds en plat. C'est-à-dire que, voilà, moi, je ne connaissais pas beaucoup Hugo. Donc, on a beaucoup parlé d'un sujet qui nous reliait, qui étaient les jeux vidéo. Et moi, à un moment, sans vraiment penser à mal, j'ai dit Oui, mais toi, Hugo, tu es un gamer. Et là, Hugo m'a dit Non. Ah non, moi,
- Speaker #1
je ne me considère pas comme un gamer. Je pense que c'est ça que je t'ai répondu à ce moment-là, en tout cas.
- Speaker #0
Et moi, ça m'a complètement interloqué. Parce que déjà, un, je ne pensais vraiment pas que c'était quelque chose qui allait coincer. Et par ailleurs, dans ma tête, dans mes clichés que j'avais sur les gamers... pour moi Hugo correspondait complètement à Starcate.
- Speaker #1
Je cote quelques cas c'est bon.
- Speaker #0
Voilà, Hugo est un mec, Hugo est blanc, Hugo a des lunettes. Tu vois ce que je veux,
- Speaker #1
allons-y.
- Speaker #0
Je n'allais pas parler de tes cheveux, j'allais pas en parler. Mais bref, toujours est-il que... Et puis par ailleurs, au-delà de mes vilains clichés physiques, il y avait aussi toute ta carrière en fait, qui est tournée autour du jeu vidéo et qui faisait que pour moi c'était évident que tu étais un gamer. Et donc... J'ai réalisé que toi, tu ne voulais pas trop te dire gamer. Moi, à l'inverse, et on en a discuté, c'est plutôt un mot que j'essaye de revendiquer. Parce que j'essaye de vaincre un peu ce sentiment d'illégitimité que j'ai vis-à-vis des jeux vidéo. Et j'ai réalisé qu'il y avait un point de tension sur ce mot que je n'avais pas du tout identifié avant. Du coup, j'en ai parlé à d'autres de mes amis qui jouent et j'ai réalisé que très peu d'entre eux, notamment eux, aux masculins, s'identifiaient comme étant gamers. dans mes piges pour Canard PC, le sujet est revenu sur la table parce qu'à un moment j'ai utilisé le mot gamer dans un article et on m'a gentiment dit que Lucie, on va leur tirer ce mot parce qu'en fait notre audience n'aime pas trop le mot gamer.
- Speaker #1
Ce qui m'a pas étonné du coup.
- Speaker #0
Voilà, c'est vraiment une conversation qu'on a eu pendant six mois.
- Speaker #1
Et puis en fait en parallèle de ça, il y avait cette envie d'essayer de créer quelque chose. On avait aussi envie, moi j'avais envie de lancer un nouveau... vos projets, toi t'avais envie de te mettre aussi un peu au podcast et voilà, tout a collapsé comme ça ensemble et ça y est on est... Ça a fait des chocs à pique Exactement, ça a fait des chocs à pique et donc c'est le sujet du jour Solus épisode 1, aidez-moi est-ce que je suis gamer ? Alors Lucie, peut-être avant de parler de gamer et de gameuse, on va peut-être parler de joueur et de joueuse. Alors je sais peut-être que ça peut apparaître simplement comme une traduction, mais en fait pas vraiment. Il y a une question d'identité qui se joue derrière ce mot. Et justement, ça tombe bien, on a eu de la chance juste au moment où on a commencé à discuter de tout ça. Il y a une étude qui est sortie en mai 2023, qui est une étude qui a été menée par l'IFOP, donc l'Institut Français d'Opinion Publique, qui était commandée par un site qui s'appelle Gamertop, et qui revenait justement à la fois sur la pratique des Français et des Françaises. du jeu vidéo, mais aussi sur cette idée de gamer. Et on s'est dit que ce serait une bonne base, en fait, pour commencer sainement la conversation, d'essayer de se poser la question. Bon, bah déjà, avant de se demander qui est gamer, qui joue en France, c'est qui les personnes qui jouent ?
- Speaker #0
Ouais, et elle est vraiment intéressante, cette étude. Et d'ailleurs, on mettra le lien en description, je pense, si vous voulez l'explorer vous-même. Parce que je trouve que cette étude, elle a la fois confiance en certains de nos clichés et en infirme d'autres. Donc moi, ça m'a vraiment appris beaucoup de choses. Le premier cliché qui... que j'avais personnellement et qui m'a été confirmé, c'est qu'on est très nombreux à jouer. Ça, on le sait très bien.
- Speaker #1
Ça commence à arriver, ça fait un petit moment maintenant que c'est rentré. Il y a le CEL aussi qui produit beaucoup d'études comme ça chaque année. Tous les ans, oui. Exactement, qui a démontré que voilà. Là, on peut donner le chiffre que donne l'étude de LeafUp. C'est 64% des Français et des Françaises qui ont une pratique active du jeu vidéo, c'est-à-dire qui ont joué à des jeux au cours des derniers mois. Ils ont allumé une console, un PC, un portable, quelque chose.
- Speaker #0
Et le CEL est important parce que ça paraît... on le sait mais on le répète, les hommes comme les femmes jouent. Donc les stats que nous donne l'IFOP, c'est que 66% des hommes français ont une pratique active du jeu vidéo et chez les femmes, c'est 62%. Donc on a un peu moins de femmes, mais une différence de 4 points, c'est pas énorme.
- Speaker #1
Sachant qu'il y a une petite nuance qui est intéressante aussi, c'est que par contre, chez les jeunes, là, c'est beaucoup plus critique. Je crois que chez les jeunes hommes, notamment, c'est 88%. Donc vraiment, la pratique du jeu vidéo, on le sait de toute façon qu'elle s'ancre de plus en plus au fil des générations.
- Speaker #0
Surtout qu'on est dans une période post-Covid où on a eu une explosion de la pratique vidéoludique, etc. Donc ça, ça a été la partie où ni Hugo ni moi n'avons été surpris.
- Speaker #1
Voilà,
- Speaker #0
on n'a pas été surpris. On partait sur des bases connues.
- Speaker #1
Exactement. Moi, la question tout de suite que je me pose quand on me présente ces chiffres-là, c'est Ok, très bien, mais... à quoi jouent ces personnes. Et là, l'E-pop, ils font un choix parce qu'effectivement, il faut essayer de définir à quoi on joue parce que ce n'est pas pareil. En fait, la pratique n'est pas la même quand on va, je ne sais pas, se mettre tous les soirs pour jouer à League of Legends avec ses potes sur son PC. Ce n'est pas la même quand on rentre juste de temps en temps du taf pour se mettre sur The Last of Us sur la PlayStation 5 et ce n'est pas la même que ne jouer, par exemple, que dans le métro à des Candy Crush ou Royal Match.
- Speaker #0
La plie du Scrabble qui a mangé tout mon été.
- Speaker #1
Exactement, tu vois, moi ma grand-mère elle joue au sud de coup sur sa tablette, déjà je sais même pas si tu lui demandes, tu vois, genre, est-ce que tu penses que tu joues aux jeux vidéo, je suis pas sûr qu'elle
- Speaker #0
Alors qu'en fait c'est une joueuse Totalement,
- Speaker #1
hardcore gameuse mamie quoi Mais justement, bah j'utilise le terme hardcore parce que c'est ce que Leafop choisit d'utiliser pour pour cibler un petit peu mieux justement la pratique, alors derrière ce terme hardcore, qu'est-ce qu'ils mettent c'est deux choses, déjà le fait de jouer au moins sur PC ou sur console C'est-à-dire qu'on va un peu exclure la population qui ne jouerait que sur mobile. Et puis, il y a aussi un truc intéressant, c'est qu'il y a des genres qui ont été choisis. Donc, c'est du jeu de rôle, du jeu de tir, du jeu de stratégie, de l'action-aventure. Des jeux qui sont rentrés dans cet imaginaire hardcore. Alors, pourquoi ? Je ne sais pas trop vous dire pourquoi est-ce que c'est plus hardcore de jouer à des jeux d'aventure que de jeux de gestion de l'enfer. Je ne sais pas mais moi ça me paraît pas bien moins hardcore mais en tout cas c'est là.
- Speaker #0
Oui c'est intéressant parce qu'en fait je suis en train de réaliser que je sais pas si l'IFOP me considérait comme joueuse hardcore au final. Parce que moi je joue sur console et très rarement mais ça m'arrive sur PC. Par contre moi mes jeux de prédilection c'est plutôt les jeux narratifs, ça va être les jeux de dating sim, ça va être les jeux de rythme qui ne sont pas...
- Speaker #1
A théorie, tu ne rentres pas forcément...
- Speaker #0
Après, j'ai joué à mon premier Zelda, il y a quelques mois.
- Speaker #1
J'allais exactement dire ça.
- Speaker #0
Voilà,
- Speaker #1
je sais que tu es hardcore. C'est comme ça, ce n'est pas nous qui décidons. Mais ce qui est intéressant, parce que ce terme hardcore, c'est un mot qui a été beaucoup utilisé dans le marketing, notamment des années 2000. Et c'est vrai que c'était utilisé aussi en prod pour séparer un petit peu les typologies de joueurs et de joueuses. Et on l'opposait souvent aux jeux casuals, notamment qui étaient plutôt le jeu mobile. En fait... derrière cette idée ce qui est pas mal revenu c'est l'idée qu'en fait c'est le temps des boucles c'est à dire qu'il y a des boucles qui sont beaucoup plus courtes sur mobile on va jouer moins de temps sur des périodes plus séquencées alors que le jeu hardcore c'est des jeux qui vont demander plus d'investissement et sur des sessions d'une heure,
- Speaker #0
une heure et demie on va plus s'engager mais bon c'est un terme qui peut prêter à débat et on peut avoir raison de le débattre qui a son bagage aussi parce que quand on parle de hardcore et de casual on a tendance quand même à valoriser la pratique hardcore plutôt que la pratique dite casual donc notamment pour des questions de genre. Et d'ailleurs, l'IFOP revient là-dessus. Je veux dire, on est sur 65% des joueurs hommes qui sont considérés comme des joueurs hardcore, alors que chez les femmes, on est à 47%. Et c'est pas pour rien qu'on a tendance à mépriser, entre guillemets, le casual gaming, parce que notamment, c'est un jeu... un peu plus féminin, mais qui a ses raisons aussi. Je veux dire, il y a des études qui montrent que le jeu casual, il est plus pratiqué par les femmes, notamment parce qu'elles n'ont pas le temps, en fait, de se consacrer. Un temps plus séquencé. Voilà, c'est des jeux qui sont plus séquencés, qui sont faits sur des temps plus courts, entre deux tâches ménagères ou ce genre de choses. Je caricature un peu, mais en même temps, pas tant que ça. Et je pense que c'est aussi pour ça que, moi, personnellement, la distinction hardcore et casual, je la comprends en termes statistiques, mais c'est quelque chose qui me fait toujours un peu grincer les dents, parce que... ça induit toujours des discours un peu compliqués de soit on va dire oui mais les femmes aussi peuvent être hardcore, oui d'accord mais les femmes casuales ont aussi le droit d'exister et c'est pas mal d'aimer jouer à Candy Crush dans le métro.
- Speaker #1
C'est péjoratif en fait qui est mis derrière casual alors que ça n'a pas tant de sens, c'est juste qu'on qualifie une pratique quoi. Mais voilà il y a quelque chose de péjoratif et qui a été aussi construit pendant ces 15 dernières années. Donc en fait avec cette étude on se rend compte que hommes et femmes ne jouent pas. pas tout à fait aux mêmes choses, même si encore une fois le gap n'est pas énormissime entre les hardcore gamers et les hardcore gameuses. Mais du coup, on se pose tout de suite cette question, est-ce que ça a un impact sur le fait de se sentir gamer ou non ?
- Speaker #0
Et en fait, on a posé la question directement à l'une des personnes qui s'est occupée de cette étude chez Gifop, elle s'appelle Enora Lanoé-Danel.
- Speaker #2
On se rend bien compte qu'il y a quand même encore des gens qui ont du mal à ne serait-ce que dire, en fait je joue aux jeux vidéo, j'aime mon chiffre. Il y a quand même 17% des joueurs. Ce qui n'est pas énorme, ce qui veut bien dire que le truc s'est répandu, mais ce qui reste quand même le marqueur d'un stigmate, on a bien vu qu'au moment où on sortait l'étude, il y avait sur BFM TV des journalistes qui faisaient le lien à un jeu vidéo-violence, puis Emmanuel Macron plus récemment, maintenant, et donc il y a ce côté un peu jugement de l'extérieur, il y a le côté intrinsèque à cette communauté où il y a quand même une forme d'élitisme en fait, il faut avoir joué au bon jeu,
- Speaker #0
il faut s'investir. beaucoup en temps,
- Speaker #2
il faut être au courant des dernières sorties, etc. Donc je pense qu'il y a une double difficulté à se sentir gamer. Et pour le coup, quand on regardait aussi dans les détails, selon la pratique, il y a 22% des gens qui jouent qui s'estiment être des gamers. Mais après, quand on regarde au niveau des personnes qui jouent de manière hardcore, vraiment les joueurs hardcore, c'est 35%. Et là, après, si on continue à rentrer dans le détail, il y a 42% des joueurs masculins hardcore qui se sentent gamers et 26% des femmes à pratique équivalente. Donc, il y a aussi vraiment tout ce truc de... Il y a des... Selon la pratique, selon aussi ton sexe, en fait, selon comment tu colles à l'image type du joueur, je pense qu'il y a plus ou moins de difficultés à se sentir. Et en fait, c'est quelque chose qu'on peut aussi voir sur l'âge, que ce n'est pas forcément l'angle qu'on avait pris de base. mais en fait il est très pertinent toujours c'est que en vrai les gens jouent il y a un décrochage à partir de 35-50 ans mais en fait ça reste quand même conséquent mais de là à ce que eux-mêmes se sentent gamers etc il y a un décalage c'est intéressant cette question de
- Speaker #1
perception de soi parce que notamment on le remarque par contre chez les jeunes hommes là il y a une grosse grosse propension à se dire gamer et ça c'est vrai que tout de suite moi ça m'a interrogé tu vois je me demande est-ce que c'est parce que justement quand on est jeune on a peut-être plus besoin d'identification peut-être que la pratique est aussi peut-être un peu plus exclusive tu vois quand on est jeune peut-être qu'on a moins de choses auxquelles on se raccroche tu vois dans la culture je sais pas mais en tout cas il y a quelque chose qui se passe chez les jeunes ils se disent beaucoup plus facilement gamer est-ce que c'est parce que ce terme il est moins connoté euh
- Speaker #0
Oui, je pense aussi que, et ça on en parlera plus tard, mais que c'est relié aussi à des nouvelles pratiques numériques que peut-être nous on n'avait pas quand on était ado, ou toi quand tu étais ado et que tu jouais, et que du coup se dire gamer c'est aussi se rattacher à cet ensemble de pratiques, et du coup c'est ni honteux ni bizarre, juste normal quoi.
- Speaker #1
Peut-être qu'ils se prennent beaucoup moins la tête que nous.
- Speaker #0
Ils n'ont pas eu besoin de lancer un podcast, par exemple. Exactement. Contrairement aux deux trentenaires derrière leur micro.
- Speaker #1
Par contre, on peut noter un point qui est intéressant quand même, c'est qu'il n'y aurait pas vraiment de corrélation sur l'idée de performance. Parce que dans l'étude, Yael pose aussi la question sur est-ce que vous vous sentez bon au jeu vidéo ? Et ça par contre, voilà, hommes et femmes, c'est à peu près kiff-kiff. On est sur 50% des femmes qui se considèrent comme bonnes joueuses, 58% des hommes qui se considèrent comme bons joueurs. Donc il n'y a pas forcément un gap aussi qui se retrouve dans la performance.
- Speaker #0
Oui, c'est pas parce qu'on se sent meilleur au jeu vidéo qu'on se sent forcément gamer. Après, la question du bon jeu, elle est intéressante parce que qu'est-ce qu'on considère comme... Qu'est-ce qu'on met derrière la question d'être bon en jeu ? Moi, je me considère pas bonne en jeu, ce qui...
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Derrière cette idée-là, il y a plein de choses qui peuvent... Il y a plein de choses sous-entraînées. Comment on mesure sa propre performance dans le jeu vidéo, c'est tout un autre débat. Mais en tout cas, il n'y a pas forcément... C'est pas un truc qui nous renseigne, en fait.
- Speaker #0
Voilà, exactement. Au final, pour résumer un petit peu ce que nous apprend cette étude, c'est que... On le sait, la majorité des gens jouent. Chez les jeunes, c'est particulièrement une pratique importante. Hommes, femmes ne jouent pas tout à fait à la même manière, mais ce n'est pas non plus un différentiel très important. On a des hardcore gameuses et il y a des casual gamers, aux masculins. En revanche, et ça c'est le cas partout, les personnes qui se disent gamers sont vraiment largement minoritaires. Ce n'est vraiment pas une pratique commune, mais c'est encore plus le cas chez les femmes. Et par ailleurs, ce qu'on vient de dire, ce n'est pas forcément non plus corrélé. à la performance, à comment est-ce qu'on se sent en tant que joueur, est-ce qu'on est bon ou pas bon. Donc au final, l'étude est très intéressante, elle nous a appris plein de choses, mais sur la question qu'on s'est posée en tout début de ce podcast, elle ne nous permet pas forcément de répondre. Pourquoi ?
- Speaker #1
Pourquoi on se dit ou pourquoi on ne se dit pas gamer ? Ça, c'est pas forcément quelque chose qu'on a pas encore vraiment d'élément probant. Et puis, surtout, il y a un truc qui nous a très vite percuté, c'est de se dire, bon, se sentir gamer, a priori, c'est aussi une perception de soi. C'est une perception de soi par rapport aux autres. Donc forcément, il y a quelque chose de social derrière et comment on se place dans la société. Et c'est pour ça que je pense que dans l'étude de comment se sentir gamer, ce serait aussi intéressant de poser la question des pratiques qui sont autour du jeu vidéo, parce que le jeu vidéo, on l'a dit, dès le début, c'est une culture et c'est pas seulement jouer aux jeux vidéo et surtout aujourd'hui avec le streaming, les réseaux sociaux, etc., Discord, des trucs qui ont pris beaucoup de place dans nos vies et beaucoup de place dans notre pratique du jeu vidéo. Je pense que ça aussi. L'implication qu'on pourrait avoir sur ces réseaux-là et sur ces pratiques communautaires, là, par contre, ça peut jouer. Je pense que ça peut jouer.
- Speaker #0
Ce qui est marrant, c'est que toi, tu es podcasteur jeux vidéo depuis des années. Le pire. Tu as littéralement une pratique sociale autour du jeu vidéo qui t'a apporté un taf et aussi une audience. Et pour autant, cette pratique ne te suffit pas visiblement à te considérer comme gamer.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
On a posé la question, justement, à Enora, de cette question de la communauté et des pratiques communautaires.
- Speaker #2
C'est pour ça qu'on parlait du... communauté du gaming, en fait, c'est qu'il y a vraiment des gens qui se retrouvent et qui parfois peuvent ne pas échanger, mais qui partagent les mêmes produits de consommation, les mêmes pratiques, les mêmes centres d'intérêt, et en fait, tu te retrouves, et pour le coup, on voit bien que les gens qui jouent en ligne, qui interagissent avec d'autres, se sentent plus gamers, en fait, parce qu'ils ont ces moments d'échange-là. Enfin, oui, et... pour avoir lu un peu tout ce qui était... Parce qu'il n'y a pas beaucoup de littérature scientifique française sur le sujet, mais les anglo-saxons sont un peu plus avancés que nous, évidemment. Et en fait, il y avait des questionnements sur ce que c'est qu'être un gamer, être un hardcore gamer, un casual gamer. Et en fait, il y avait cette notion vraiment de... En fait, c'est comment toi, tu te perçois. Comment tu te perçois par rapport aux autres. Il y avait aussi tout ce truc de... Évidemment, toujours sur l'angle du sexisme, c'est un peu mon dada, mais sur le fait que... ton identité fille vient un peu à l'encontre de ton identité hardcore gamer. Et donc, si tu veux te mouler, en fait, tu dois abandonner ce truc-là. Et on voit bien, d'où dans notre étude, on a vu qu'il y a 40% des femmes qui ont déjà évité des situations d'échange avec d'autres joueurs par peur de se prendre des remarques sexistes. Donc, il y en a une partie, c'est qu'elles n'ont pas osé parler dans un chat, elles ont caché leur genre. Enfin, c'est aussi que c'est... plus difficile pour certains de se sentir appartenir à cette communauté et donc de se sentir gamers quand la communauté t'accepte pas c'est compliqué de se revendiquer de celle-ci
- Speaker #0
Donc, on se rend bien compte qu'étudier la population dite des gamers, c'est pas si simple. Il y a des nuances à faire entre hardcore, entre casual, entre genre, entre différents âges. On ne joue pas tous de la même manière et on ne se déclare pas tous jouer de la même manière. Mais la raison pour laquelle c'est aussi difficile d'étudier les gamers, c'est aussi parce que les gamers rejettent beaucoup de monde. Les gens qui se disent gamers ont tendance à être un peu exclusifs sur cette fameuse définition du gamer. Donc nous on avait un peu envie d'explorer un petit peu ce...
- Speaker #1
On avait envie de remonter en fait, un peu aux origines du gamer.
- Speaker #0
Voilà, on voulait remonter un petit peu aux origines du gamer, alors on va pas remonter complètement jusqu'au... Parce que l'origine du mot gamer ça vient des wargames pour info, donc vraiment là on part dans les jeux de société du 19ème siècle, donc là c'est un peu trop loin. Donc nous ce qu'on vous propose c'est plutôt un historique assez rapide des joueurs de jeux vidéo qui se qualifient de gamers. Donc déjà il faut rappeler quelque chose, c'est que le jeu vidéo est une pratique culturelle très très jeune. C'est très jeune par rapport au cinéma, au théâtre, à la littérature. C'est quelque chose qui se chiffre en des dizaines d'années, et non pas en des centaines, voire des milliers pour certaines de ces pratiques.
- Speaker #1
C'est le dernier grand médium populaire.
- Speaker #0
Actuellement, en tout cas, oui. Et par ailleurs, c'est un médium qui a évolué très vite de nature. Au tout début, dans les années 70, les jeux vidéo, c'était plutôt une pratique communautaire. C'est les jeux d'arcade, les jeux dans les bars, c'était l'arcade. Pong qu'on avait au Troquet du coin. Et ce jeu communautaire est devenu en une dizaine d'années plutôt une pratique domestique et individuelle. Ça c'est la commercialisation des consoles.
- Speaker #1
C'est le jeu vidéo qui arrive vraiment chez nous dans nos chaumières comme on dit.
- Speaker #0
Voilà exactement. Et ce qui est intéressant c'est quand on regarde un petit peu l'histoire en fait du jeu vidéo, on se rend compte que ce moment où le jeu vidéo est devenu quelque chose d'individuel, c'est aussi le moment où le jeu vidéo est devenu quelque chose de très masculin. Alors ça, c'est un rapport directement avec mon domaine de prédilection qui est l'informatique. En fait, le marketing du jeu vidéo s'est tout de suite associé au marketing autour des ordinateurs et de l'informatique. L'informatique qui était, il faut le savoir, un domaine de femmes à l'origine et qui est devenu masculin en parallèle avec les JV. Et concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ? C'est qu'on a commencé à dire que le jeu vidéo, c'était pour les petits garçons, les jeunes garçons, avec des thématiques généralement associées aux jeunes hommes, donc la guerre, le sport, le combat.
- Speaker #1
tous ces trucs un peu d'affrontements etc Nintendo était encore un peu placé sur la famille mais après en fait dans les années 90 il y a vraiment des éditeurs et constructeurs qui vont vraiment mettre en avant une imagerie assez virile tu vois Sega c'est plus fort que toi il y a vraiment des choses qui sont arrivées et qui nous ont fait plutôt,
- Speaker #0
qui ont plutôt orienté cette culture vers les jeunes hommes Et c'est plutôt dans ce contexte en fait que le mot gamer tel qu'on l'entend aujourd'hui est né, c'est ce que nous disent en tout cas les historiens du jeu vidéo... Par exemple, il y a une étude que j'ai relue en préparant ce podcast, que j'avais trouvé vraiment fascinante. C'est une étude qui a été faite par un chercheur anglais qui s'appelle Graeme Kerr-Patrick. Son étude s'appelle Making Games Normal, pour l'université de Manchester. Et lui, il a étudié la presse jeux vidéo anglaise des années 80 à 90. Et du coup, il regardait un petit peu comment est-ce que la presse JV parlait de la pratique du JV. Et c'est super intéressant parce qu'on se rend vraiment compte d'une tension dans cette représentation. C'est que d'un côté, les gamers... étaient des gamers, ils voulaient affirmer cette identité de gamer, We are gamers on fait des trucs de gamers, machin. Mais de l'autre côté, il y avait aussi une volonté de normaliser cette pratique, qui était pas mal critiquée, parce qu'encore une fois, beaucoup associée à l'informatique, c'était pas du tout l'époque de Facebook ou machin, de la Silicon Valley, où on trouvait l'informatique. Ah oui, ça n'en revient pas du tout. C'était l'époque où c'était... Un truc de geek, un truc voire d'anarchiste en fait, parce que les pratiques informatiques des années 80, c'était plutôt les hippies, des trucs comme ça. Donc c'était pas un truc, les hackers, c'était pas quelque chose qui était bien vu. Donc on est un peu dans cette double tension de on est des gamers, on est différents, mais respectez-nous un petit peu quand même. Et donc cette idée que le jeu vidéo a été très vite revendiqué comme un espace masculin, c'est un sujet sur lequel a beaucoup écrit Esteban Giner, qui est chercheur en Game Studies, et qu'on a du coup interrogé à ce sujet.
- Speaker #3
En fait, il y a cette idée que le jeu vidéo a été un média qui a été targeté dans les années 90 pour les jeunes garçons qui dans l'espace public se sont appropriés les pratiques. Par exemple, il y a des travaux qui permettent de constater que le jeu vidéo à la maison dans les années 90 est relativement partagé au sein d'une fratrie de garçons, de filles, etc. Mais par contre, le jeu dans les situations publiques, par exemple dans les salles d'arcade, en fait, c'est un jeu masculin. C'est vraiment ça. Donc il y a ça qui se met en place dans les années 90, puis ensuite, ça crée un imaginaire
- Speaker #0
autour de l'idée que la personne joueuse, c'est forcément un mec jeune, blanc, d'une situation middle class américaine, etc.
- Speaker #1
Donc on reprend notre historique, là on arrive aux années 90. Les années 90, c'est un moment qui est vraiment important dans la réputation du jeu vidéo, parce que c'est le début de ce qu'on qualifierait de panique morale, vraiment, contre les JV, notamment cette fameuse association des jeux vidéo d'un côté et de la violence de l'autre. Jouer rendrait violent. Aux Etats-Unis, ces tensions vont se cristalliser autour de deux jeux en particulier, Mortal Kombat d'un côté et le jeu indépendant Night Trap. Ça a été assez loin parce que tous ces débats ont mené carrément à des audiences au congrès en 1994. Et c'est ce qui a mené à la création de l'Entertainment Software Rating Board, qui est l'équivalent américain du PEGI.
- Speaker #2
Le système de rating, de notation pour essayer d'indiquer à quel public s'adresse un jeu. Peggy 18, ça veut dire que il y a ces...
- Speaker #1
De la violence, du sexe, ce genre de choses. Donc au final, l'industrie a réagi vraiment rapidement à ces critiques. Néanmoins, elle ne se défaira jamais de cette réputation de violence.
- Speaker #2
Et puis surtout qu'il va y avoir des jeux extrêmement populaires qui vont arriver. Il y a Doom aussi qui arrive, il y a GTA aussi. Enfin bref, ce... ce mélange un peu jeu vidéo-violence, ça c'est quelque chose qui va vraiment perdurer pendant longtemps. Et d'ailleurs, il y a encore des traces aujourd'hui.
- Speaker #1
Complètement. Et donc du coup, la réputation du joueur va se ternir un peu plus. C'est-à-dire que vous vous rappelez, années 80, on commençait à se dire ils sont un peu bizarres, c'est un peu comme les hackers, ils sont un peu chelous, ils sont un peu addicts. Et là en plus, potentiellement, le joueur est potentiellement violent.
- Speaker #2
Un criminel potentiel, un dangereux individu, ces joueurs. Donc il y a déjà ça, il y a ce truc de la violence. Et puis je pense que c'est aussi important de... Il y a un autre truc qui se met en place, c'est cette espèce de narratif un peu victimaire des geeks. Moi, j'ai l'impression que le cinéma nous a beaucoup abreuvés de cette imagerie du geek qui est dans les allées du lycée. Tu sais, il est contre son casier et il se fait... bousculé par le mec qui est dans l'équipe de football américain.
- Speaker #1
J'avais des casiers au collège, effectivement, je m'identifie.
- Speaker #2
Tu t'identifies. Et vraiment, j'ai l'impression qu'il y a tout ce narratif qui s'est mis. Il y avait déjà des films, dès les années 80, Revenge of the Nerds, ça sort en 84, et même beaucoup plus tard, moi je pense à des trucs comme, je sais pas, The Big Bang Theory, où clairement, le geek est un petit peu méprisé, moqué, et c'est un truc que les personnes qui s'identifient aux gamers ont. ont intégré un peu dans leur narratif. En gros, il y a cette idée qu'on était marginalisés parce qu'on jouait aux jeux vidéo. Et ça, je ne sais pas si c'est tant vrai que ça. Tu vois, moi, quand j'y réfléchis à mon adolescence...
- Speaker #1
On ne te bousculait pas ?
- Speaker #2
Eh ben non ! Franchement, collège, lycée... Alors, clairement, il y avait un truc genré qui se passait. Ça, c'était clair. Il y avait ce truc de se dire que le jeu vidéo, c'était un truc pour mec. Et en fait, si j'allais être à côté d'une meuf dans ma classe, je n'allais pas lui parler de jeu vidéo. Parce que je me dis, ça ne l'intéresse pas, parce que ce n'est pas... Ce n'est pas son domaine, pas forcément en élitisme, pas parce qu'elle n'est pas la bienvenue.
- Speaker #1
Tu n'imaginais même pas qu'une femme pouvait s'intéresser.
- Speaker #2
À tel point, cette imagerie était dans la tête sur les garçons. Après, c'est peut-être plus chez les adultes. Je me souviens vraiment de discussions dans ma famille. Tu fais du sport, toi, Hugo ? Non, il fait plutôt du sport de pouce. Il joue au bip, autre truc comme ça. Donc, c'est vrai qu'il y avait peut-être un mépris des générations supplémentaires. Mais de là à se dire marginalisé et victime, J'ai l'impression que c'est un narratif qu'on aime bien s'approprier comme ça dans certains milieux du jeu vidéo, alors que ce n'est peut-être pas forcément vrai.
- Speaker #1
La question de l'esprit victimaire, elle est compliquée, je trouve. Parce que je reviens toujours à ce truc de la comparaison avec le numérique, parce qu'elle me semble vraiment pertinente quand on parle des gamers. Je pense qu'il y a un vrai mépris encore aujourd'hui pour la pratique du jeu vidéo, au même titre que les pratiques numériques. Par exemple, passer une heure sur un ordinateur, ça sera toujours moins valorisé que passer une heure devant un livre. Et on prend encore aujourd'hui assez peu en compte les nuances de toutes les activités qu'on peut faire en ligne. Et que, par exemple, faire une vidéo YouTube, créer une vidéo YouTube, ce n'est pas du tout la même pratique que scroller sans réfléchir sur TikTok pendant une heure, etc. On peut faire des choses très bien sur Internet comme très mal. Et d'ailleurs, on peut aussi lire des livres de merde.
- Speaker #2
Et c'est OK aussi de scroller sur TikTok ?
- Speaker #1
Absolument. Mais donc, du coup, il y a de fait un mépris de la culture vidéoludique et des pratiques numériques. Néanmoins, ce sentiment... d'exclusion que ça a provoqué chez les gamers, il est vraiment disproportionné par rapport à ce rejet. Et ces attaques, en fait, ont provoqué un réflexe qu'on va qualifier de gatekeeping. Alors, gatekeeping, c'est un concept qui est assez important dans les JV, qui est utilisé aussi dans d'autres domaines, mais dans les JV particulièrement. Donc, le gatekeeping, c'est littéralement...
- Speaker #2
Tenir les portes.
- Speaker #1
Donc, c'est l'idée que... des gens vont se mettre devant la porte d'un domaine et dire, toi t'as le droit de rentrer, toi t'as pas le droit de rentrer. Et donc, parce que les gamers, le groupe social des gamers a subi beaucoup de critiques, de moqueries sur leur pratique, certains ont développé ces réflexes de dire, bon, puisqu'on se fout de notre gueule, eh ben, on vous emmerde.
- Speaker #2
C'est eux qui ont... contre nous, c'est nous contre eux et si vous voulez pas de nous, très bien, mais par contre il faudra pas venir après vouloir rentrer dedans. Et ça c'est...
- Speaker #1
Et ça c'est un vrai problème parce que d'un côté oui, il est légitime de critiquer par exemple, je sais pas moi, quand Emmanuel Macron dit que les jeux vidéo vont provoquer des émeutes, c'est faux et on peut en parler. Néanmoins il y a aussi des critiques tout à fait légitimes à prononcer sur le jeu vidéo, sur son milieu, etc. Et il y a certains joueurs et joueuses qui... plutôt joueurs d'ailleurs, je ne vais pas utiliser le jeu cette fois-ci, qui ont tendance à tout mettre dans le même sac. Et tout ça, ça va nous amener à un événement qui est pareil fondamental quand on parle de la réputation du gamer, c'est un événement qui s'appelle le Gamergate. Alors le Gamergate, je pense que si vous écoutez Solus, vous avez dû au moins en entendre parler, mais je pense que c'est important de revenir dessus.
- Speaker #2
Vous allez devoir présenter au moins, redonner les bases de... de ce qu'est ce qui se passe à ce moment là en 2014, 2013,
- Speaker #1
2014. 2014, donc le Gamergate c'est un mouvement anti-féministe qui a consisté à harceler de nombreuses personnalités féminines et féministes du jeu vidéo.
- Speaker #2
Des développeuses, des journalistes, des personnalités, des femmes qui occupaient un peu un espace médiatique et qui se sont pris des attaques. Plus ou moins violente, on est vraiment parti de cyberharcèlement à des menaces de mort.
- Speaker #1
Menaces à tenter à la bombe, des personnes qui ont déménagé, etc. Et tout ça sous couvert d'un argument fallacieux qui était de critiquer l'éthique dans la presse jeux vidéo. Ce qui honnêtement, et je le dis très clairement, c'était du bullshit, c'était vraiment une excuse pour s'en prendre à des femmes qui étaient identifiées comme étant ces nouvelles venues qui voulaient tout bouleverser dans le milieu des jeux vidéo. Ce qui était faux parce que... beaucoup de femmes qui ont pris la parole dans le cadre de ce mouvement, qui ont été attaquées par ce mouvement, étaient là depuis le début, étaient des gameuses depuis le début, avaient tout à fait le droit d'être là, mais ont quand même été attaquées de manière vraiment violente. Et donc le Gamergate, ça a fait beaucoup de dégâts dans le milieu du jeu vidéo, des dégâts qu'on ressent encore aujourd'hui, et ça je le dis très clairement, étant une femme sur Internet, moi je le constate tous les jours, et ça me désespère un peu qu'on en soit encore là, mais ça n'a pas fait que des dégâts dans le petit milieu, le petit grand milieu des jeux vidéo, mais aussi en dehors. Alors notamment, on considère maintenant que le Gamergate a été un peu le terrain de jeu, le terrain d'entraînement en tout cas, des militants de l'alt-right, donc le mouvement d'extrême droite qui a mené finalement l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis, qui ont en fait un peu fourbi leurs armes numériques, qui ont créé un peu des nouvelles formes de harcèlement numérique qu'on retrouve encore aujourd'hui. Et aujourd'hui, les pratiques de l'extrême droite en ligne, ce sont les pratiques qu'on a vu naître au moment du Gamergate. Donc c'est pas le Gamergate qui a mis Donald Trump... au pouvoir, je précise parce que ça serait trop simple de le dire comme ça, il y a énormément de choses qui ont fait que Donald Trump a fini au pouvoir, mais n'empêche qu'il y a des liens indissociables entre ces deux mouvements, et c'est parti du JV. Donc, le Gamergate, c'est un mouvement important, qu'a aussi étudié Stephen Jenner, je vous propose de l'écouter.
- Speaker #0
Ça ne veut pas dire que c'est à partir du Gamergate que des choses terribles se sont produites, en fait, c'est venu révéler des choses qui existaient. Mais il y a eu une instrumentalisation exacerbée de cette distinction sociale de gamers pour justement mettre en place cette distinction sociale qui se fait entre les gamers et les personnes qui sont connaisseurs et connaisseuses de jeux vidéo. bien plus que la moyenne au niveau mainstream, etc. Mais également dans une exception plus large où justement, là, on va recouper cette identité de gamer à d'autres identités sociales, comme celle que tu as évoquée du jeune homme, probablement caucasien, qui vit soit en Europe, soit en Amérique du Nord, alors qu'aujourd'hui, en fait, être gamer, c'est un genre... quand tu as des études qui pointent et qui montrent que tout le monde joue aux jeux vidéo, ben oui, c'est vrai, mais c'est... C'est ce qui vient dire que la notion, hormis cette distinction, n'est pas fondamentalement pertinente, parce que les gamers ne sont pas les mêmes dans tous les endroits du monde, et ça je ne vous l'apprends pas.
- Speaker #1
Et donc on arrive aujourd'hui. Aujourd'hui on est quasiment dix ans après le Gamergate, même dix ans parce que je crois que les premiers éléments c'était fin 2013. Et aujourd'hui l'image du gamer ne s'est pas améliorée. C'est-à-dire qu'aujourd'hui le gamer, on a toujours tendance à l'associer... à des mouvements de haine, à du sexisme, etc. Et pas forcément à tort. Enfin, il faut le dire, je veux dire, oui, on ne devrait pas mépriser les pratiques vidéoludiques. N'empêche qu'on est encore dans un monde dans lequel être une femme qui joue aux jeux vidéo et qui l'affiche sur Internet, c'est extrêmement difficile. En France, on a eu le mouvement des streameuses en fin 2022 qui nous l'a encore prouvé. Je veux dire, il y a très peu de streameuses jeux vidéo avec une forte audience en France, notamment parce que...
- Speaker #2
C'est compliqué.
- Speaker #1
Elles subissent énormément de harcèlement, elles subissent des menaces de viol, des menaces de mort, des mecs qui font des deepfakes d'elles. C'est vraiment très très violent.
- Speaker #2
Et ça, c'est d'ailleurs ce qui a fait naître l'étude. C'est à partir de ce mouvement-là, notamment ce qui s'était passé avec Magla, justement, fin 2022. Et la question a été posée. Et ça, ça se manifeste en fait dans deux... Deux aspects en fait de l'étude, la première c'est toutes les stratégies de dissimulation qu'on voit, les femmes qui justement ne vont pas dire qu'elles sont femmes, qui ne vont pas mettre le micro pendant le fait qu'elles jouent, ne tout simplement plus avoir de pratiques communautaires, de pratiques sociales liées aux jeux vidéo. parce qu'elles se reçoivent des agressions verbales et de tout type quand elles se mettent à jouer. Et puis, l'autre point qui est mis en avant, en tout cas par l'étude, c'est est-ce que les gamers, donc les personnes qui se sentent gamers, les hardcore gamers, est-ce qu'ils souscrivent à des clichés sexistes ? Et là, on se rend compte qu'il y a des questions qui sont posées. Ça va à la fois de, est-ce qu'une femme doit prendre le nom de son mari quand elle...
- Speaker #1
Quand il se marie, oui.
- Speaker #2
Exactement. à des questions beaucoup plus...
- Speaker #1
Sur la culture du viol, le consentement.
- Speaker #2
On a été de dire, est-ce que quand une femme dit non, ça veut dire oui ? Est-ce que vous êtes d'accord, oui ou non, à cette question ? Et là, on observe qu'il y a une certaine propension des gamers qui souscrivent à cette idée-là.
- Speaker #1
Mais ce qui est intéressant, c'est qu'on se rend compte qu'il y a une certaine propension d'hommes, tout court, qui souscrivent à cette idée-là. La statistique, c'est que 60% des joueurs qui ne s'identifient pas comme gamers adhèrent au moins à un stéréotype sexiste, c'est bien que ce n'est pas parce qu'on ne s'identifie pas comme gamer que d'un coup on est un peu... on est absous de ce sexisme et qu'en fait on n'en ferait pas partie. Et ça c'est important de le dire parce que le sexisme, c'est pas qu'un problème de gamer, c'est un problème d'homme en général. On est dans une société sexiste, vous êtes... Vous, je regarde Hugo dans les deux, vous êtes élevé dans une société sexiste qui valorise votre présence par rapport à la nôtre. et qui du coup vous éduque en fait dans ces réflexes misogynes. Et on voulait insister là-dessus parce qu'on n'est pas en train de dire Ah non, en fait, les gamers ne sont pas sexistes, ce n'est pas un problème de gamers, c'est un problème de société. C'est aussi un problème de gamers, parce que le sexisme des gamers, il prend des formes particulières, qui d'ailleurs sont en fait des formes de sexisme qui se nourrissent des outils en ligne. Typiquement, voilà, tous les mouvements de cyberharcèlement, ils se nourrissent d'outils comme... Discord comme Twitch ça induit tous les problèmes de modération de ces espaces qui sont très peu modérés il y a des pratiques qui sont spécifiques à la misogynie des gamers qui sont intégrées à la culture des pratiques d'être sur Reddit etc et d'utiliser ces réseaux là pour communiquer et s'organiser qui vont accentuer et exacerber du
- Speaker #2
sexisme qui oui est déjà partout ailleurs mais qui va il y a un effet loop en fait qui se crée dans le milieu ça exacerbe et d'autant plus qu'on est dans un milieu où
- Speaker #1
qui est revendiqué comme un comptable jeux vidéo sur Twitch on a 90% de mecs, etc donc c'est un truc qui se nourrit, mais vraiment j'insiste là-dessus, le sexisme, vous hommes qui écoutez cette émission, le sexisme c'est aussi votre problème, même si vous n'êtes pas vous vous identifiez pas comme un gamer c'est important de le réfléchir comme un système en fait le patriarcat c'est un système et ça nous concerne toutes et tous Et donc tout ça pour dire que le mot gamer,
- Speaker #2
bon, trimballe avec lui un certain nombre de casseroles et ce depuis en fait qu'il dit... qu'elle soit légitime ou non. C'est-à-dire qu'il y avait ce truc de la violence et tout. Bon, ça, on a compris que ça dégage un petit peu. En revanche, il y a eu des mouvements comme le Gamergate qui ont confirmé qu'il y a eu une exacerbation du sexisme. Et donc, c'est pour ça que le mot gamer, est-ce qu'on est à l'aise ou pas avec ? Qu'est-ce qu'on a envie d'en faire ? Et c'est un peu ça la question qu'on avait envie de se poser à la fin de cette émission, c'est qu'est-ce qu'on en fait de ce mot gamer ? Est-ce qu'on s'en débarrasse ? Et en fait, je peux peut-être venir à pourquoi moi, c'est vrai que je ne me considère pas comme gamer. Moi,
- Speaker #1
le faux gamer.
- Speaker #2
Moi, le faux gamer. Moi, quand on a commencé à discuter de tout ça, c'est vrai que moi, j'étais plutôt dans l'idée de l'abandonner. Parce que, alors déjà, oui, je considère que ce n'est pas une pratique exclusive et tout, que je fais plein d'autres choses, que je ne suis pas que gamer. Donc, je ne suis pas...
- Speaker #1
C'est important d'insister là-dessus. Je pense qu'on ne l'a pas encore dit, mais on a tendance à imaginer qu'un gamer ne fait que jouer. Ce qui n'est pas le cas d'autres pratiques culturelles. Quand on voit un gros lecteur, on ne se dit pas, il passe son temps à lire. Il se fait d'autres choses dans sa vie.
- Speaker #2
Exactement. Alors que le gaming, mais aussi parce que le jeu vidéo est un médium extrêmement chronophage. Et d'ailleurs, peut-être qu'on en reparlera dans cette émission. Mais voilà, il y a déjà ça. Donc l'idée de ne pas renvoyer cette image de je ne fais que jouer aux jeux vidéo. Qu'on me reprochait d'ailleurs quand j'étais gamin. Mais il y a aussi ce truc que moi... connotation, moi quand j'entends le mot gamer je pense Gamergate en fait, je pense à tous ces mouvements là, je pense aussi à tout ce que je peux voir, moi je suis créateur de contenu donc je suis exposé sur le net, je suis exposé sur internet, je constate les débats en ligne des gamers et régulièrement il y a toujours des takes plus ou moins éclatés, voilà ce personnage féminin pourquoi elle est comme ci, pourquoi elle est pas comme ça et tout ça c'est vrai que j'ai fini par l'associer au mot gamer et de fait je l'ai banni de mon vocabulaire. Je ne l'utilise plus. Moi, dans mes vidéos, je ne dis jamais le mot gamer, ni pour me qualifier moi, ni pour qualifier les gens qui joueraient. Ou alors, quand je le fais, c'est avec un brin de mépris, genre les gamers.
- Speaker #1
Les gamers avec un Z.
- Speaker #2
Voilà, exactement. Il y a ce truc-là, ce truc-là comme ça.
- Speaker #1
Et donc, du coup, vu les réflexions du go, qui ne sont pas les miennes parce qu'on n'a pas le même vécu, mais que je trouvais intéressante, on s'est dit, en fait, est-ce qu'au final, ça a vraiment du sens de garder ce mot gamer qui, de toute manière... induit tellement de pratiques différentes qui peut-être ne sert plus à rien aujourd'hui en 2023. Donc du coup on est revenu voir Enora pour lui parler parce qu'elle fait des études donc elle a l'habitude de ces histoires de catégories et sa réponse nous a un peu surpris. C'est encore un outil d'analyse important parce que pour beaucoup ça veut encore dire quelque chose après effectivement tu le dis super bien c'est que les gamers il y a tellement de gens différents, il y a tellement de communautés différentes et c'est un peu ce que je crois terminer l'étude de dire en fait parce que comme on est sur le sexisme on s'est pas mal renseigné là-dessus mais... Il y a des communautés de femmes qui sont créées en parallèle. Et puis, effectivement, il y a une multiplicité de communautés. Et c'est compliqué de parler de culture commune, tellement il y a de gens, de pratiques, d'âge, de sexe. Est-ce que les gamers sont prêts à déconstruire ? Donc là, on parle plutôt des gens qui sont identifiés facilement comme étant des joueurs. Voilà, Hugo. Hugo, podcasteur jeux vidéo de son état, personne n'est étonné qu'il joue aux jeux vidéo et qu'il soit un joueur ou peut-être un gamer en fonction de...
- Speaker #2
Je le veuille ou non, en fait, j'incarne quelque chose.
- Speaker #1
Je l'incarne, cet archétype. On pense, je pense, que ce sujet se pose différemment pour les personnes qu'on n'associe pas facilement aux jeux vidéo, pas automatiquement. Typiquement les femmes, les personnes racisées, les personnes trans, il y a plein de personnes qui ne correspondent pas à cet archétype. Et du coup, là, la question du mot gamer, elle se pose pas tant en termes d'identité qu'une demande qu'on nous fasse une place dans une communauté qu'on a envie d'intégrer et qu'on nous refuse. Et là, je vais parler un petit peu de mon expérience parce que c'est vraiment pas celle du go. Moi, en fait, je ne me suis jamais vraiment dit gameuse, mais encore pire, j'ai longtemps dit que je jouais pas aux jeux vidéo. D'ailleurs, je crois que c'est un truc que j'ai dû dire quand on s'est rencontrés, de ouais, je joue pas beaucoup aux jeux vidéo, etc. Ce qui est marrant, c'est qu'en fait, c'est faux. En fait quand je réfléchis à mon adolescence Alors certes J'ai pas eu les pratiques du go J'avais pas de console de salon Mon petit frère oui mais pas moi J'ai pas grandi avec une console dans les mains J'ai joué à un AAA C'était Zelda, c'était mon premier Justement j'ai longtemps fait partie De la catégorie de personnes qui pensaient que Zelda c'était l'elfe avec le bonnet vert C'était pas la princesse Donc voilà Et donc Pour moi, ça faisait de moi hors catégorie. Je ne joue pas aux jeux vidéo. Sauf qu'en fait, quand j'étais ado, je jouais aux Sims. Et je jouais à Amour Sucré. Donc en fait, tout ça, c'était faux. Je jouais aux jeux vidéo. C'est juste que j'estimais que je ne jouais pas à des jeux légitimes. Pas à des vrais jeux, entre guillemets. On en revient à ce que je disais sur les casual gamers. Moi, c'est pour ça que je défends beaucoup les casual gamers. Parce que les casual gamers sont des gamers. Peut-être pas des gamers comme vous et moi maintenant. Mais n'empêche qu'ils jouent bien aux jeux vidéo. Il se trouve qu'en grandissant, moi je suis restée près de la culture JV, parce que voilà, moi j'avais plein de potes qui jouaient, et que c'est grâce à ces personnes que petit à petit, je me suis dit qu'en fait, peut-être que c'était pas si flippant de me mettre au jeu, que peut-être que je voudrais avoir une console, et on m'a fait découvrir des jeux qui ne correspondaient pas à l'idée que je me faisais des jeux vidéo, voilà, j'ai pas besoin de jouer à des AAA pour jouer aux jeux, et que du coup, j'ai réussi à créer mon propre espace. Et je pense que pour moi, me créer ce propre espace... C'est aussi revendiquer cette identité de gameuse. Et je ne vais pas vous mentir, faire un podcast jeux vidéo, pour moi, ça fait partie de ce processus. Moi, si Hugo ne m'avait pas littéralement prise par la main et me dit que ça me tenterait de faire un podcast jeux vidéo avec toi, je ne l'aurais jamais fait. J'ai un vrai problème de légitimité à l'idée de parler de jeux vidéo parce que j'ai l'impression que je n'ai rien à apporter sur ce sujet.
- Speaker #2
Ce qui est faux aussi, comme le fait que tu ne jouais pas aux jeux vidéo.
- Speaker #1
Voilà, donc me voilà maintenant. presque gameuse et en tout cas podcasteuse jeux vidéo. Et ça pareil on a interrogé Esteban Jenner à ce sujet et je vous laisse l'écouter.
- Speaker #0
Ce qui est intéressant par contre, c'est de voir comment des groupes, soit minoritaires, soit à la marge, soit qui viennent lutter contre cette inaccessibilité culturelle, cette distinction, jouent avec la notion gamer pour lui donner de nouvelles significations qui peuvent passer par de la moquerie, qui peuvent passer par de la réappropriation, etc. Par exemple, quand le collectif Afro-Gameuse se nomme Afro-Gameuse, c'est formidable parce que ça vient reprendre la notion qui permettait de se créer mentalement une image hypothétique du gamer et ça vient la redéfinir avec des compléments et justement pour montrer la pluralité que la notion incarne en vrai.
- Speaker #2
Du coup, en gros, toi t'as envie de revendiquer ce terme gamer, et moi je comprends carrément, c'est-à-dire que de dire, bah en fait, les personnes qui, historiquement, n'étaient pas associées à cette identité-là, en fait, faut venir reprendre un peu ce terrain-là, c'est un peu un truc de territoire. Maintenant, moi je me pose la question... Qu'est-ce que je fais ? Comment je dois gérer la chose pour justement que ce territoire-là laisse ce territoire-là à d'autres profils que moi ? Et ça, je ne sais pas trop comment je me positionne. C'est-à-dire que naturellement, déjà, encore une fois, moi, j'ai toute cette histoire de la connotation et je ne sais pas comment je vais pouvoir le réintégrer dans mon vocabulaire. Et je me demande ce que je dois faire, en fait. Est-ce que je dois, moi aussi, me dire gamer, mais je suis gamer, mais je ne suis pas ça ? Est-ce que je dois le présenter comme ça ? Ou est-ce que je dois dire, en fait... j'ai rien à revendiquer et j'ai rien à dire et laisser la place aux autres et je sais pas trop comment me positionner là dessus tu vois j'aurais plus tendance moi à dire moi je veux plus le laisser de côté, je suis toujours encore je pense dans cette idée de le laisser de côté parce que c'est plus à moi de le revendiquer j'ai l'impression et surtout je me dis que moi le revendiquant parce que je suis qui je suis, parce que je ressemble à quoi je ressemble ça va forcément envoyer un message qui est peut-être pas celui que j'ai envoyé si je me dis moi gamer... J'ai l'impression que je mène plus une guerre de territoire pour l'identité gamer un peu traditionnelle avec laquelle je ne suis pas trop en accord, plus que pour une autre identité, plus que pour cette fameuse dilution dont parle
- Speaker #1
Esteban. Moi, je ne suis pas d'accord avec ça. Pour le coup, je suis d'accord sur le fait qu'il faut laisser les personnes qu'on ne considérait pas comme des gamers revendiquer cette identité. Moi, typiquement, je me sens très proche de tout le mouvement gamer girl sur TikTok. des filles qui revendiquent une forme d'hyper féminité, qui revendiquent le fait d'adorer jouer Animal Crossing, d'avoir des ordinateurs roses. Ce n'est pas qu'une seule manière d'aimer les JV. Il faut insister, il y a plein de femmes qui jouent aux jeux vidéo d'une manière plus classique comme joue Hugo. Mais c'est intéressant de laisser aussi les gens qui jouent différemment le revendiquer. Néanmoins, quand je te vois dire, moi en fait je ne suis pas gamer, je te vois prendre une distance avec ce milieu, de dire, ce n'est pas mon milieu, ça ne me concerne pas. Le problème, c'est que ce qui se passe dans ce milieu, En fait ça te concerne dans le sens où si tu nous abandonnes, si tu laisses ce milieu de côté, il va y avoir deux types de personnes, il va y avoir les gens comme moi et il va y avoir les connards, il faut le dire très clairement. Or le féminisme c'est pas qu'un truc de meuf, le féminisme c'est pour tout le monde et de la même manière je pense que pour détoxifier cet écosystème, il faut aussi qu'il y ait des gars qui ont ta tête et qui ont aussi ton audience, ton parcours aussi parce que toi... personne ne reviendra à sa légitimité.
- Speaker #2
C'est ça en fait le truc c'est que derrière aussi je me dis tu vois moi c'est un privilège en fait de pouvoir ne pas me déclarer gamer c'est parce qu'on m'a jamais posé la question on l'a jamais remis en cause moi c'est moi y'a personne qui m'a demandé ouais mais est ce que tu as bien joué à ci ou est ce que tu as bien joué à ça peut-être deux trois relous qui me l'ont fait sur youtube mais c'est pas arrivé donc effectivement je c'est pour ça que je suis très ambivalent là dessus j'ai pas vraiment de bonnes réponses à donner aux gens qui nous écoutent tu vois
- Speaker #1
Je pense que la bonne réponse c'est laisser les meufs, personnes minorisées, faire ce qu'elles veulent et ne pas leur expliquer comment elles le font comment elles doivent l'apprécier laisser cet espace qui est aussi à elles et par contre ouvrir votre gueule pour les autres, pour ceux qui vont les critiquer pour ceux qui vont les attaquer parce que quand on parle de sexisme en ligne et ça sur le gamer gay c'est quelque chose que j'ai beaucoup observé à l'époque parce que j'étais déjà, alors j'étais jeune journaliste mais j'étais déjà journaliste moi j'ai beaucoup vu ce mouvement de gamers bien intentionnés qui disaient ouais non mais ça c'est... ça c'est pas ma commu, je les connais pas, c'est percés, c'est des gens bizarres, c'est des gamins, c'est des mecs d'extrême droite, ça me concerne pas. Alors qu'en fait c'est faux, et moi je l'ai constaté dans mon groupe, en fait les gens qui ont participé au Gamergate ou qui se sentaient proches de ces idées, bah c'était aussi vos potes, c'était aussi des journalistes qu'on fréquentait, c'était aussi votre cousin, ça a peut-être été vous avant, etc. En fait, il n'y a pas d'archétype du mec sexiste, tous les hommes sont sexistes. de base, parce que vous vous êtes éduqués là-dedans. Donc ensuite, la question, c'est comment est-ce que ce milieu qui vous a longtemps appartenu, vous le rendez plus accueillant ? Et ça, c'est un effort que vous aussi, vous devez faire. Et je suis toujours un peu ambivalente sur le mot d'allié, mais de fait, je pense que c'est aussi ça, être un bon allié, c'est de créer cet espace et que ça vous concerne, vous aussi. Et on voulait conclure sur un... Moi, j'avais envie de conclure sur un... Un livre qui m'avait beaucoup marqué à l'époque et que je vous recommande si ces sujets vous intéressent, c'est le bouquin d'une chercheuse américaine qui s'appelle Shira Chess, qui d'ailleurs a malheureusement fait partie des d'un à qui ont beaucoup été harcelés à l'époque du Gamergate, parce que c'est une chercheuse en Game Studies qui a beaucoup bossé sur la place des femmes et des personnes minorisées. Et donc son bouquin il s'appelle Play Like a Feminist. Donc joue comme un ou une féministe, c'est paru aux éditions MIT Press en 2020. Et Shiraches, elle, ce qu'elle dit, c'est qu'il faut que les jeux vidéo deviennent, je cite, un terrain de jeu pour les loisirs féministes futurs. Qu'est-ce qu'elle veut dire par là ? Elle dit, bon, on sait qu'il y a des groupes, certes minoritaires, mais qui sont quand même là, très toxiques dans le jeu vidéo. C'est pas pour autant qu'on doit balancer le jeu vidéo à la poubelle. C'est pas juste de se dire, bon, bah, c'est une pomme pourrie, donc on balance toutes les pommes. En fait, non, on a le droit, on étant, voilà... toutes les personnes qui ne correspondent pas au cliché du gamer, on a le droit d'aimer les jeux vidéo et il y a un vrai intérêt, même militant, politique, à s'emparer de cette culture qui est une culture vachement importante aujourd'hui dans la culture populaire. Maîtriser les codes des jeux vidéo, c'est maîtriser une partie des codes populaires. Donc, en fait, son discours, c'est de dire en fait, l'idée, c'est pas tant de convaincre les gamers toxiques d'être moins toxiques parce que malheureusement, il y en a qui sont dans une forme de militantisme anti-féministe et on les sortira pas de là. En revanche, là où on doit s'adresser, c'est aux audiences potentielles des jeux vidéo. Elle, elle les appelle les gamers curieux, donc les curieux et les curieuses des jeux vidéo. Et voilà, pour elle, c'est vraiment l'avenir du JV, c'est de parler de JV aux personnes qui pensent que le jeu vidéo, c'est pas pour elle. Donc moi, j'ai envie de dire adieu les gamers et vive les futurs et futures gamers.
- Speaker #2
Exactement, je pense qu'on va pouvoir terminer là-dessus, arrêter le gatekeeping et ouvrir justement, faire du gate opening. Et j'espère que c'est quelque chose qu'on pourra faire avec ce podcast et je pense que c'est aussi derrière un petit peu la démarche qu'on adopte. Avant de vous laisser, on va d'abord remercier nos deux invités qui nous ont donné un peu de leur temps pour pouvoir élaborer cette émission. Merci à Enora Lanoëlle-Danel, chargée d'études à l'IFOP et merci à Esteban Giner, chercheur en Game Studies. Merci également à vous de nous avoir écouté pendant cette émission on vous l'a dit c'est un pilote donc on attend évidemment vos retours mais vous pouvez aussi vous abonner sur votre appli au podcast puisque normalement si tout se passe bien le prochain épisode de Solus sortira une semaine après celui-ci. Mais en attendant Lucie où est-ce qu'on peut te retrouver sur internet ?
- Speaker #1
Alors on peut me retrouver un tout petit peu sur Twitter un tout petit peu de... Lucie Ronfaux sinon sur Mastodon... Et sinon, le moyen le plus simple, c'est de suivre ma newsletter qui s'appelle Règle 30 sur Numérama.
- Speaker #2
Abonnez-vous à Règle 30. Et quant à moi, vous pouvez me retrouver sur YouTube, sur la chaîne Game Next Door et en podcast sur Fin du Game, sur la même appli sur laquelle vous êtes là actuellement. Merci et à la prochaine.
- Speaker #1
Salut les gamers.
- Speaker #0
Au revoir.